Les thés verts
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Long chin, Puit du dragon

Nombreux sont les connaisseurs chinois qui affirment que rien ne peut les surpasser nulle part dans le monde, pour leur couleur, leur arôme et leur parfum. Produit dans la province de Tchô-kiang près du Lac occidental de Hang-tcheou (qui a une longue histoire), ce type de thé pousse sur les sommets de la chaîne de montagne T'ieh Mu. On le vend de plus en plus dans les magasins chinois en Chine, en Europe et aux Etats-Unis, mais les meilleures qualités coûtent cher et peuvent être difficiles à trouver en dehors de la Chine et de Hong Kong. On le cueille avant le "Festival de la Claire Lumière" ou en tout cas avant les chutes de pluies du printemps. La toute meilleure qualité vient d'une région de la montagne appelée le "Pic du Lion", où la cueillette se fait à la main avant que chaque jeune pousse ait plus d'une feuille (on prend donc le bourgeon et au plus une feuille). Leur parfum est si fin que la cueillette doit être soigneusement emballée ou gardée dans des boîtes à thé totalement hermétiques car l'exposition à l'air gâterait rapidement le parfum et l'arôme du végétal. De plus, le thé vert et semi-vert doit être infusé en trempant les feuilles dans une eau de plusieurs degrés au-dessous du point d'ébullition, qui n'a pas bouillie et en utilisant des ustensiles parfaitement propres pour ne pas introduire de goût ou odeur étrangère au thé. Une infusion trop longue rend le thé amer, trop courte l'infusion est insipide.

Vers l'an 250 - c'est ce que dit la légende... - un Taoïste affirma qu'il y avait un dragon caché dans une certaine source non loin du village de Hang-tcheou. Ayant fait cette découverte à un moment où les paysans priaient depuis fort longtemps pour avoir de la pluie, il implora le dragon de la source de leur venir en aide. A l'instant même, les nuages s'accumulèrent de toutes parts et la pluie tomba à torrents fort à propos. C'est en souvenir de cet événement qu'un vieux temple tout proche de la source est connu sous le nom de Monastère du "Puits du Dragon" et le thé devrait son nom, en partie,  à cette même légende.   Selon un autre récit une pauvre veuve qui vivait tout près de là possédait deux théiers et en utilisait le produit pour préparer du thé aux manoeuvriers qui le cueillaient aux alentours. Un jour, un riche marchand, entendant parler de sa bonté, s'exclama: « Une femme au grand coeur comme vous mériterait d'être riche. » « Je suis heureuse de ne pas mourir de faim », répondit-elle en souriant. Comme il regardait tout autour de lui, il remarqua un grand mortier de pierre qui se trouvait être plein de feuilles tombées des théiers voisins au cours des ans. «Voulez-vous vendre ce vieux mortier? » demanda-t-il. « Si oui, je reviendrai demain pour l'emporter. » Elle prit l'argent qu'il lui offrait et le matin suivant il revint avec quelques ouvriers pour transporter le mortier. A sa surprise, le mortier avait été balayé et nettoyé. « Voyez, je l'ai fait beau pour vous! » sourit la vieille. « Toutes ces feuilles ont été bien utiles comme engrais pour mes deux théiers. » Sans aucun doute, le ciel la récompensa-t-il de sa charité en dotant ces feuilles en décomposition de propriétés miraculeuses car, peu de temps après, ses deux théiers donnèrent des feuilles d'un vert jade comme on n'en avait jamais vu auparavant. C'est donc l'un ou l'autre de ces récits qui est à l'origine du thé du Puits du Dragon. On raconte que la vieille femme fit fortune.
Ceux qui connaissent bien cette sorte de thé affirment qu'il atteint le sommet de la perfection lorsqu'il est préparé avec l'eau pure de la source des "Tigres galopants" qui apparut « miraculeusement » tout près d'un temple assez proche du jardin de thé. La légende raconte que sous le règne de l'empereur T'ang, Yuan Ho (806-821), il y eut une autre terrible sécheresse et une fois de plus les gens de Hangtcheou prièrent en vain les dieux de leur accorder la pluie. Un jour, l'abbé Hsing K'ung vit deux tigres bondir hors de la forêt voisine et commencer à aller et venir sur le terrain du temple. Tout à coup, l'eau se mit à sortir à gros bouillons du sol foulé par leurs griffes. Depuis lors, la source n'a jamais tari. Son eau est merveilleusement pure et lorsqu'on l'utilise pour préparer le thé du "Puits du Dragon", l'infusion ressemble à du jade liquide et exhale de plus une délicieuse fragrance qui imprègne tout le palais. Comme le remarquait des siècles plus tard un visiteur Ming:
« Comme j'aimerais être moine et vivre toujours ici, avec un tel thé et une telle eau pour compagnons! »

Les jardins de thé des environs ont un sol sablonneux blanc et le climat y est idéal pour la culture des théiers. En fait, tous les thés de la région sont d'excellente qualité, grâce à une culture ancestrale ainsi que des conditions très favorables. Les autres thés locaux ressemblent tellement au "Puits du Dragon" par leur parfum et leur apparence que même des experts ont beaucoup de difficultés à découvrir des différences. Quoi qu'il en soit, on prétend que les meilleures feuilles du "Puits du Dragon", qui poussent sur le "Pic du Lion", donnent à l'eau dans laquelle elles sont infusées, une couleur orange pour une minute ou deux puis un ton vert jade qui ne devient ni boueux ni jaunâtre quel que soit le temps d'infusion.

 

De nos jours où tant de maisons de thé chinoises ont - semble-t-il - disparu il est bon de savoir que celle toute proche de la source des "Tigres galopants" est prospère et que les visiteurs y trouvent la meilleure qualité de thé du "Puits du Dragon", infusée dans une eau sans pareille.

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